De Pierre Gordon...

Le Feu sacré des origines

Le feu eut, dans l'antiquité, et il a conservé dans l'ethnographie, une place unique, que nous ne soupçonnons pas, faute de discerner qu'il fut envisagé comme la condensation, en étincelle visible, de la matière énergétique, ou surnaturelle, propre à l'univers présentement invisible. Le feu sacré primitif n'était allumé par aucun procédé dont nous avons l'expérience. Il était dû entièrement aux pouvoirs conférés à l'homme par l'ascèse initiatique et par l'intégration de la pensée dans le domaine ultraphysique. Il marquait en d'autres termes le retour de l'homme au surhomme.
L'importance exceptionnelle de ce "feu très pur" de ce "feu trois fois saint" des origines, tenait, en somme, à ce qu'il attestait, par une preuve indiscutable, l'efficacité des rites initiatiques, et l'existence d'un passage entre les deux aspects du cosmos. Le nouvel initié qui, grâce à l'état d'ionisation, où l'ascèse avait mis son corps, et grâce à ses prières, c'est-à-dire à la puissance que lui donnait la soudure de son esprit à Dieu, réussissait à faire jaillir une flamme dans l'univers phénoménal, témoignait qu'il pouvait commander à l'univers saisi comme ensemble physique. Il était apte à être un prêtre et un chef. Le groupe social pouvait compter sur lui.
Par surcroît ce feu était celui-là même qu'avait connu le premier ancêtre avant sa déchéance. C'était celui qui formait la substance, actuellement cachée, des choses. Ce n'était point un feu d'ici-bas, produit par des moyens mécaniques. C'était le feu antérieur à l'univers des sens, le feu d'en haut, le feu créateur, le feu radiance, identique à l'énergie pure du royaume surnaturel.

in "Origine et Sens des Fêtes"
de Pierre Gordon,
aux éditions Arma Artis, 2006.