L'EAU LUMIERE
L'eau donne un corps à la lumière. La lumière met une âme dans l'eau. De leur fusion, naît un troisième personnage, l'Eau-Lumière - qui est d'une autre consistance que l'eau elle-même et d'une autre fluidité que la lumière, et dont l'expression-type est le feu du diamant, qui est un soleil liquide, jet d'eau de lumière sur le bassin d'eau dure de la pierre du brillant.
L'Eau-Lumière est la fondation même du regard, car le regard n'est ni un feu, ni une flambée de vie, mais un jet d'eau de lumière - lumière liquide où joue par surcroît le soleil de l'âme. L'Eau-Lumière n'est pas un compromis entre la Lumière et l'Eau, comme l'enfant est un compromis entre parents, mais un être nouveau, à âme distincte des deux. L'Eau-Lumière mêmement a une âme en propre. Certaines formes d'éclats et de reflets sur les mers semblent être des fantômes de vie distincte soudainement apparus et soudainement disparus sur la barque liquide des vagues - et qu'un caprice suffit parfois pour jeter hors de l'eau, et faire s'échapper dans l'air pour réapparaître plus loin comme par enchantement. L'Eau-Lumière, dans le vase de cristal, nage en feux follets. L'éclat est pour l'Eau-Lumière l'antre de prédilection. Il ne faut point à l'Eau-Lumière précisément l'eau pour se manifester ; il lui suffit très souvent seulement que la substance où elle se pose bouge, que coule et voyage la surface des choses, pour que son fantôme lumineux apparaisse. Sur le vernissé de la feuille, là ou le vert de la feuille est une coulée de cristal, là où le vert de la feuille est un flot de verre liquide que fait onduler le vent, sur le vernissé des feuilles, l'Eau-Lumière se dépose et se balance, fuit et revient tour à tour comme une luciole de clarté qui s'épand. L'Eau-Lumière est partout sur les eaux : sur la nacelle des flots, comme sur les monts du torrent, sue le patinoir oscillant de l'eau calme comme sur le courant lent et lisse du ruisseau qui véhicule le soleil. L'Eau-Lumière est dans la perle, mais nage à sa surface, car l'opacité de l'eau de nacre qu'elle contient lui refuse droit d'entrée plus bas. L'Eau-Lumière est dans le bouchon de cristal taillé - mais n'y possédant là qu'un oeil unique et trop de fenêtres à la fois pour voir au dehors, le regard de l'Eau-Lumière voltigera de place en place dans son sein en carrousel de clartés, comme un regard fou se battant au mille facettes de sa prison, comme un fou cherchant une issue au sein de son oeil aux mille angles de vue et que son cerveau emprisonné voit à la fois, et au sein desquels il ne sait choisir une ouverture en particulier pour s'extérioriser dans la vie ambiante, et fuir son âme qui l'étreint.
L'Eau-Lumière sur le métal met dans sa substance une forge à froid, faisant le métal coulé en gestes solidifiés, comme des jets d'eau de feu d'une balle-lumière, comme les tracés de feu liquide d'un bolide lumineux, comme les jets d'eau de flammes qui nous viennent d'un seul jet, comme la balle lumineuse d'un bolide d'eau, tirée à même le métal. L'Eau-Lumière dans le métal est un tir de jets d'eau de clarté qui nous visent droit dans l'oeil. L'Eau-Lumière sur le métal n'a que des regards droits.
Sur la piste baguée des choses qui coulent dans la lumière, sur les cercles d'argent de la rosée, sur les anneaux d'or du couchant autour des doigts verts des feuilles, l'Eau-Lumière pirouette sur elle-même, s'échappe et retombe sur ses pieds en envolées de clartés et en retombées surcessives, comme la danse en toupie volante de la danseuse.
L'Eau-Lumière est la fondation même du regard, car le regard n'est ni un feu, ni une flambée de vie, mais un jet d'eau de lumière - lumière liquide où joue par surcroît le soleil de l'âme. L'Eau-Lumière n'est pas un compromis entre la Lumière et l'Eau, comme l'enfant est un compromis entre parents, mais un être nouveau, à âme distincte des deux. L'Eau-Lumière mêmement a une âme en propre. Certaines formes d'éclats et de reflets sur les mers semblent être des fantômes de vie distincte soudainement apparus et soudainement disparus sur la barque liquide des vagues - et qu'un caprice suffit parfois pour jeter hors de l'eau, et faire s'échapper dans l'air pour réapparaître plus loin comme par enchantement. L'Eau-Lumière, dans le vase de cristal, nage en feux follets. L'éclat est pour l'Eau-Lumière l'antre de prédilection. Il ne faut point à l'Eau-Lumière précisément l'eau pour se manifester ; il lui suffit très souvent seulement que la substance où elle se pose bouge, que coule et voyage la surface des choses, pour que son fantôme lumineux apparaisse. Sur le vernissé de la feuille, là ou le vert de la feuille est une coulée de cristal, là où le vert de la feuille est un flot de verre liquide que fait onduler le vent, sur le vernissé des feuilles, l'Eau-Lumière se dépose et se balance, fuit et revient tour à tour comme une luciole de clarté qui s'épand. L'Eau-Lumière est partout sur les eaux : sur la nacelle des flots, comme sur les monts du torrent, sue le patinoir oscillant de l'eau calme comme sur le courant lent et lisse du ruisseau qui véhicule le soleil. L'Eau-Lumière est dans la perle, mais nage à sa surface, car l'opacité de l'eau de nacre qu'elle contient lui refuse droit d'entrée plus bas. L'Eau-Lumière est dans le bouchon de cristal taillé - mais n'y possédant là qu'un oeil unique et trop de fenêtres à la fois pour voir au dehors, le regard de l'Eau-Lumière voltigera de place en place dans son sein en carrousel de clartés, comme un regard fou se battant au mille facettes de sa prison, comme un fou cherchant une issue au sein de son oeil aux mille angles de vue et que son cerveau emprisonné voit à la fois, et au sein desquels il ne sait choisir une ouverture en particulier pour s'extérioriser dans la vie ambiante, et fuir son âme qui l'étreint.
L'Eau-Lumière sur le métal met dans sa substance une forge à froid, faisant le métal coulé en gestes solidifiés, comme des jets d'eau de feu d'une balle-lumière, comme les tracés de feu liquide d'un bolide lumineux, comme les jets d'eau de flammes qui nous viennent d'un seul jet, comme la balle lumineuse d'un bolide d'eau, tirée à même le métal. L'Eau-Lumière dans le métal est un tir de jets d'eau de clarté qui nous visent droit dans l'oeil. L'Eau-Lumière sur le métal n'a que des regards droits.
Sur la piste baguée des choses qui coulent dans la lumière, sur les cercles d'argent de la rosée, sur les anneaux d'or du couchant autour des doigts verts des feuilles, l'Eau-Lumière pirouette sur elle-même, s'échappe et retombe sur ses pieds en envolées de clartés et en retombées surcessives, comme la danse en toupie volante de la danseuse.
in LA VIE FILTREE de MALCOLM DE CHAZAL,
réimpression anastatique (de l'édition GALLIMARD de 1949)
parue aux éditions ARMA ARTIS en 2003.
réimpression anastatique (de l'édition GALLIMARD de 1949)
parue aux éditions ARMA ARTIS en 2003.