lundi 7 décembre 2009

De Henri Corbin sur l'Ame du Monde...

Tableau du sidérant John Martin, contemporain de William Blake


Il importe de restaurer l'authentique anthropologie platonicienne et néoplatonicienne : le "corps subtil" de Schelling et Mollâ Sadrâ est fort proche de l'okhêma symphyês de Proclus. Mais précisément la conception en présuppose la fonction médiatrice de l'Anima mundi. De même qu'il y a une sophianité en cosmologie, garantissant la Présence divine à ce monde, de même il y a une sophianité dans l'homme, garantissant d'ors et déjà sa double appartenance. Proclus a pu dire, en ce sens, que chaque âme particulière est envers son okhêma (son "char subtil") particulier dans le même rapport que l'Ame divine du Monde avec le corps divin. Si la perte de la sophiologie entraîne un retrait définitif de Dieu hors de ce monde, elle entraîne symétriquement une fixation définitive de l'homme en ce monde, livré désormais sans défense à toutes les instances agnostiques, sociologiques, psychanalytiques, etc.

Finalement donc, l'homme est le lieu et l'enjeu du "combat pour l'Ame du Monde". Mort de Dieu et mort de l'homme sont concomitantes d'un monde qui a "perdu son âme". Bien entendu l'origine de ce combat remonte à plusieurs siècles.


HENRI CORBIN, le 5 août 1978,

in "Le combat pour l'Ame du Monde",
Cahiers de l'Université Saint Jean de Jérusalem N°6.