mardi 22 décembre 2009

Dans" LA KABALE DES KABALES" de Carlo Suarès, à propos des Lettres...



"La Kabale des Kabales", de Carlo Suarès, livre publié en 1962 par les Editions Adyar, vient, avec leur aimable autorisation, d'être réédité aux Editions Arma Artis.



L'auteur hassidique Rabbi Dov Baer de Mézéritz écrivait au XVIIIème siècle que chaque lettre est le réceptacle d'une vie spirituelle ; que toute lettre est une voie vers le suprême ; que dans chacune des lettres sont inclus les 600.000 caractères de la Thora, lesquels correspondent aux 600.000 âmes d'Israël ; que le Saint, bénit soit-il, réside dans les lettres ; que c'est par la Thora que le Saint, bénit soit-il, a créé le monde ; c'est-à-dire que c'est par les lettres qu'il a dit : Yehi Aur et que cette opération était pour le Saint, bénit soit-il, un Tzim-Soum ; que de même que lorsque l'homme parle il n'est pas séparé des lettres qu'il prononce, mais que seul son corps en est séparé, non sa vie, de même que le Saint, bénit soit-il, n'est pas séparé des lettres ; que personne ne peut supporter sa divinité si ce n'est par les lettres ; que la vie de tous les existants vient de la parole... bref, que tout est lettres.

Il est inutile de multiplier les références. Elles sont fort nombreuses. Le lecteur de sang-froid peut se demander s'il ne s'agit pas là d'un délire poétique, mystique, mythique. L'affirmation que le Saint (quel que soit le sens que l'on donne à ce mot) réside dans les lettres de l'alphabet hébraïque, peut sembler pour le moins saugrenue. Pourtant le début de l'Evangile de Jean relève de la même expérience mystique.

Sous jacente à l'état de conscience de ces auteurs, il existe, d'aussi loin que remonte la mémoire, une tradition que nous appelons la tradition ontologique, ou simplement la Tradition. Elle enseigne qu'il n'y a de révélations que dans les perceptions de plus en plus claires que la conscience peut avoir de sa condition et de son fonctionnement. Elle enseigne que le phénomène conscience n'est pas impénétrable à lui-même mais qu'au contraire une conscience consciente d'être - et non seulement identifiée à la conscience d'être quelque chose - peut acquérir une qualité sélective lui permettant de reconnaître, dans son activité créatrice - et auto-créatrice - les éléments qui la constituent. Ces éléments selon la tradition ontologique, ont pour véhicules les neufs nombres, tels qu'ils se présentent entre eux dans les cinq premiers livres de la Genèse (jusquà Noah). Ce ne sont jamais que ces neufs nombres qui apparaissent dans les dizaines et les centaines. Ce sont les mêmes, mais sur des plans différents. La Tradition enseigne encore que ces récits de la Genèse, s'ils sont lus avec une perception correcte des schèmes qu'ils proposent - en tant qu'éléments constitutifs de la conscience - sont un guide vers la Connaissance...
Carlo Suarès

in LA KABALE DES KABALES,
Editions Arma Artis, décembre 2009.