jeudi 5 novembre 2009

De Luc-Olivier d'Algange...



Insignifiante par définition, l'opinion relève de la croyance, mais d'une croyance imposée de l'extérieur et d'ordre presque mécanique. L'individu moderne possède l'opinion précise qui le dispensera le mieux d'être livré à l'exercice difficile de la pensée. Nous savons, ou nous devrions savoir, depuis Platon, qu'avoir "ses opinions", c'est ne pas penser. Ce n'est pas même commettre une erreur, se fourvoyer, succomber à quelque maladresse fatale ; c'est tout simplement ne pas tenter l'aventure de la pensée. On peut à bon droit reprocher à certaine formes de démocratie d'avoir favorisé de façon démesurée cette outrecuidance de l'opinion, cette prétention de la non-pensée a s'ériger en doctrine. Et il n'y a pas lieu de s'étonner que la plus ancienne démocratie connue fit condamner Socrate, auteur de tant de subtiles maïeutiques ! Si la mesure quantitative des "opinions" suffisent à créer une légitimité, toute autre forme de pensée ne saurait en effet apparaître que rivale et dangereuse.

in Le Songe de Pallas de Luc-Olivier d'Algange, aux Editions Alexipharmaque, 2007.