La stupeur est le fait de tous les gnostiques, de Plotin à Swedenborg, d'Avicenne à Boehme, d'Ibn Arabi à Angelus Silésius rassemblés dans le temps de la Lumière. Cette stupeur dont tous témoignent monte de la perception d'une unité d'ensemble faite de visions, de perspectives, de structures, de transparences qui restent invisibles, étrangères au gens de l'exotérisme qui se contentent du littéral, de l'apparent, du dogmatisme exclusiviste et persécuteur. Elle monte de la découverte extasiée d'une réalité multidimensionnelle, d'un invisible qui équilibre le visible : vision qui n'est pas "théorie" mais théoria, vision théophanique et non plus mentale, d'intermondes dont le correspondant se retrouve d'ailleurs dans le microcosme humain ; vision qui est connaissance et amour, goût intime des mystères, cardiagnosia. Cet état de stupeur (dahach) confère, selon le soufisme, la possibilité d'être "séparé de soi-même", d'en être "délivré", comme le dit Ansâri ; car désormais, le corps n'a plus la force d'endurer : il se trouve disjoint du coeur ; le coeur ne tient plus compte de l'intelligence : l'esprit lui apporte l'extase ; le regard ne trouve plus le discernement : la lumière intellective le submerge, qui conduit à l'anéantissement en Dieu ; pour Attâr, la stupeur (haïrat) précède le dénuement et la néantisation qui révèle la "merveilleuse Essence", où les oiseaux ne sauront plus s'ils sont encore eux-mêmes ou s'ils sont déja l'Essence.
L'Eclair, le sourire et l'abîme par Jean Biès
dans POUR L'EMERVEILLEMENT - Epignosis N°20, juillet 1989.
dans POUR L'EMERVEILLEMENT - Epignosis N°20, juillet 1989.