vendredi 23 octobre 2009

D'Olivier Clément, irremplaçable...

Pendant tout le haut moyen âge et jusqu'au premier art gothique, l'alchimie ne s'est pas opposée au christianisme, mais l'a complété. Par elle, l'effusion eucharistique s'irradiait jusqu'aux états les plus pesants de la matière. Ce n'était plus seulement le pain et le vin, mais la pierre, le plomb, le calcaire des os et des roches qui se trouvaient "transsubstantiés". Vivifiée par le christianisme, l'alchimie lui donnait une application "technique" dans le domaine "psycho-cosmique" qu'il négligeait puisque son but n'était pas d'installer l'homme dans le monde, mais de l'en dégager.
Ainsi l'alchimie n'aurait pu survivre en Occident sans la prodigieuse effusion initiatique du christianisme : de même que la maison archaïque n'existe que par la cheminée qui la fait communiquer avec le "ciel", de même il n'est de cosmologie possible qu'autour de l'état "central" par où l'on peut sortir du cosmos.
Mais sans l'alchimie le christianisme n'aurait pu "s'incarner" dans un ordre total : il y aurait eu des moines et des saints, il n'y aurait pas eu de conception sacrée de la nature capable de donner aux arts, aux métiers, à l'héraldique leur caractère de "petits mystères".
En un temps où la pesanteur nous écrase, il est peut-être urgent de rappeler au christianisme qu'il a non seulement accepté, mais animé, aux siècles de sa plus noble incarnation, une véritable illumination de la pesanteur.

in L'oeil de feu par Olivier Clément,
chez l'excellent éditeur Fata Morgana, 1994.