vendredi 10 juillet 2009

De Luc-Olivier d'Algange...

Si, pendant la Renaissance, la pensée hermétique et néoplatonicienne contribua à la nouvelle mise en perspective des formes picturales et architecturales, elle me paraît aujourd'hui destinée à donner une autre profondeur, une autre résonnance, au roman, placé, dès lors, sous le signe du réalisme visionnaire, c'est-à-dire de la description exacte et minutieuse de états multiples de l'être. Ainsi, l'on verrait se substituer à la subjectivité des sentiments et de l'histoire, une sorte de phénoménologie de la conscience prophétique, captant (à la manière d'un radar ou d'une gemme) les signes lumineux qui ordonnent la qualité singulière, l'irrécusable unificence de chaque instant. Le roman, et la littérature en général, cesseraient alors de s'en tenir à des apparences, déjà interprétées, pour s'efforcer, par un cérémonial courtois, d'en circonvenir les aspects imprévus, visibles, mais habituellement dédaignés, car inutiles "au sens de l'histoire", inutiles, c'est dire ne servant à rien, et par là, innasservis et souverains, comme les diamants testimoniaux d'une transcendance ici-bas présente, depuis toujours et à jamais, mais dont nul (hormis les Justes Secrets), selon la fatalité de la Lettre volée d'Edgar Poe, ne devinait l'extrême proximité. Loin d'envahir la réalité par une profilérante subjectivité, ce roman "omnicontemporain" se laisserait, au contraire, pénétrer et investir par la réalité objective, immédiatement perçue, vivante irisée, selon la symbologie médiatrice de l'Echarpe d'Iris, alliance du visible et de l'invisible.

in L'Autre Monde, N° 111, 1er trimestre 1987.