samedi 18 février 2012

Par Rémi Boyer sur le livre d'Abdel-Baqi Meftah concernant un des grands traités mystiques Ibn Arabi


Les clés ontologiques et coraniques du livre

des fuçûç al-hikam d’Ibn Arabî

par Abdel-Baqî Meftah,

Editions Arma Artis.

Ce livre profond et érudit intéressera tous les étudiants d’Henri Corbin, Sôhravardi, Ibn Arabî… Après Les clés des Lieux de contemplation des saints secrets, consacré à l’un des ouvrages fondamentaux d’Ibn Arabî, Le livre des châtons des sagesses (fuçûç al-hikam), Abdel-Baqî Meftah publia, en 1977, un ouvrage intitulé Les clés des Châtons des sagesses (mafâtîh fuçûç al-hikam), complétant le premier pour exposer les liens entre les écrits d’Ibn Arabî et le Coran.

Les clés des Châtons des sagesses révèlent le secret de l’ordre des chapitres des fuçûç et leur rapport avec les états multiples de l’Être. Ce nouveau travail traite des relations entre ces chapitres et les sourates du Coran.

L’auteur présente ainsi la construction de ce livre en quatre parties :

- « La première partie comprend, après la préface, les clés de l’ordre des chapitres des fuçûç, l’explication des clés coraniques des plus connus des livres du sheilh al-akbar Ibn Arabî, ainsi que la présentation détaillée des sourates correspondant aux chapitres des fuçûç.

- La deuxième partie se compose de 28 sections, chacune expliquant le Nom divin sur lequel repose chaque « châton » (façç), son degré manifesté et sa lettre proférée, sa demeure astrologique, ainsi que les allusions subtiles qui se réfèrent à ces différents aspects, cachées et éparses dans chaque chapitre.

- La troisième partie se compose de 27 sections, chacune expliquant la sourate correspondant à chaque chapitre (ou façç), les allusions du sheikh à ces versets, l’éclaircissement de l’arrangement des chapitres et leur admirable enchaînement.

- La quatrième partie traite des rapports numériques subtils et étonnants entre les différentes clés des fuçûç, c’est-à-dire les noms des prophètes, les sourates, les Noms divins, les caractéristiques des sagesses [correspondant à chaque façç], la basmala et la sourate al-fâtiha.les plus importants de ces nombres sont : 28, 36, 360, 365, 406, 1572. »

L’ouvrage est d’un grand intérêt initiatique et métaphysique par la compréhension qu’il donne des états multiples de l’Être et de la réalisation de ceux-ci jusqu’à l’ultime réalisation non-duelle. Cette métaphysique est indissociable d’une cosmologie. Le travail de l’auteur permet d’établir une correspondance graduée entre manifesté et non-manifesté, entre microcosme et macrocosme, servant une opérativité recherchée.

Abdel-Baqî Meftah insiste sur « l’importance de la science des secrets des lettres et des nombres dans l’enseignement d’Ibn Arabî. Il identifie dans l’œuvre du sage quatre catégories, quatre aspects d’une réalité unique :

- « la connaissance de la réalité divine (wujûd al-haqq) à travers ses manifestations essentielles, celles de ses attributs et celles de ses actes ;

- Le Verbe divin dans sa manifestation coranique synthétique et totalisante, et dans sa manifestation distinctive et analytique comprenant ses applications rituelles ;

- Les états multiples de l’Être et les normes existentielles ;

- La présence unifiante qui est celle de l’Homme Universel, et les degrés de la voie spirituelle conduisant à la réalisation de cette perfection à travers les stations initiatiques. »

Il précise encore :

« Quant aux formes (çûwar) des compositions liées à ces manifestations divines (tajalliyât) et reliées entre elles, leur support de manifestation (mazhar) se présente sous deux aspects : un aspect qualitatif caché dans la forme écrite (raqmiyya) et vocale (lafziyya) des lettres et des mots du Livre Sage [Le Coran] ; et un aspect quantitatif caché dans leur valeur numérique. »

Ceci évoquera avec raison chez certains lecteurs la tradition hébraïque. Nous touchons là en réalité à une structure absolue a-culturelle.

Le travail ô combien inspiré d’Ibn Arabî permet de se saisir de l’Apparaître depuis le plus grossier jusqu’au plus subtil. Abdel-Baqî Meftah, en explicitant les arcanes mis en évidence par le maître, rend accessible la traversée des apparaîtres duels. L’enchaînement des châtons dessine une voie directe, une immédiateté non-duelle réalisable dans ce corps-ci, dans cette vie-là. Le tout-contraignant se révèle alors tout-libérant.

Rémi BOYER

L'éditeur remercie vivement Rémi Boyer pour cette présentation exceptionnelle d'un livre lui aussi exceptionnel, savant au possible, et bien difficile à cerner et à présenter.