jeudi 13 janvier 2011

De Rémi Boyer sur le livre "Le souffle du Norrois" de Laurence Talbot...


Le Souffle du Norrois de Laurence Talbot, Editions Arma Artis.

Après Les Paladins du monde occidental, Laurence Talbot poursuit son étude des traces de la culture atlante. Dans le premier livre, elle avait exposé « les grandes lignes d’essaimage des fils des Atlantes ». Dans celui-ci, elle « cerne de plus près les mythes et les concepts qu’il sont répandu dans le monde ». En explorant dix siècles de mythe, c’est « le génie du paganisme » qu’elle met en évidence.

D’emblée, le lecteur est averti sur la méthode qui est la sienne :

« J’use pour ce deuxième volume de la même méthode d’investigation que pour le premier. Elle aussi, par sa nouveauté et son côté dangereux, peut soulever de sévères critiques. Mais s’il est vrai que l’intuition a des certitudes que la preuve ne connaît pas, on me fera la grâce de reconnaître que dans la présente étude la preuve appuie l’intuition. Au reste, n’était-ce pas l’avis de Voltaire qu’on ne pouvait remonter que par induction et conjecturalement à la langue aryenne primitive, mère du sanscrit, du zend, du grec et du latin – celle que je tiens pour la norroise. »

Le lecteur, se rappelant que, selon Gregory Bateson, « la science sonde, elle ne prouve pas », se passionnera pour cette quête de la norroise. Laurence Talbot invite le lecteur à naviguer sur l’océan des langues, tantôt se laissant dériver, tantôt se tenant à un cap bien déterminé. La linguistique est ici reine. On pourrait se croire en poésie, tant l’émerveillement s’impose, nous sommes cependant dans un méta-sens et une méta-histoire qui confèrent sens au sens et à l’histoire.

C’est de mythosophie que nous entretient Laurence Talbot sans jamais noyer le lecteur dans un jargon inaccessible. Le lecteur intéressé au symbolisme sera à son aise quand l’auteur restitue aux symboles leur puissance première, comme pour le serpent, renversée par le jeu des civilisations victorieuses. Nous suivons ainsi les méandres de la pensée humaine, de ses transformations par généralisations, omissions et distorsions, dans lesquelles le chercheur sagace peut toutefois retrouver un fil d’Ariane qui le conduira à des rapprochements et découvertes surprenants mais d’une grande portée initiatique et philosophique.

« Les anges sont surtout musiciens… harpe et lyre sont leurs instruments. Nous avons vu que ceux-ci sont d’origine norroise. En breton, le nom d’Ange se traduit par Eol : vent, souffle.

A la faveur de quelle conception primitive se sont faits tous ces rapprochements ?

Ang, la racine de ange et de angle, est assimilable à ank. Ank, en breton, est un des noms qui désignent le coin de bois, lequel s’est également appelé dans la même langue : korn et kôn. Le coin est de forme angulaire, comme le rayon lumineux. Nous avons répété maintes fois que le coin et la corne furent en raison de cette forme pénétrante parmi les premiers emblèmes des gens du Nord et du Norrois. On retrouve ce même symbole dans l’ancienne Egypte sous la forme de ankh, avec le sens de vie, ou rayon de vie. Il ne faut pas chercher ailleurs que dans ces rapprochements l’explication du fait que dans le Kalevala il est dit que chaque fois que la déesse de la mer (ou la vierge de l’onde) perd une dent du peigne dont elle peigne sans fin la longue chevelure blonde, cette dent se transforme en un ver. Par ver, terme qu’emploie Léouzon le Duc dans sa traduction, il faut entendre arve ou larve, c’est-à-dire l’esprit d’un mort. La dent du peigne était de par sa forme une figuration de l’ankh ou rayon de vie. Sa chute était un signe. (…)

A côté de l’ankh breton signifiant angle et coin (en matière de musique, anche a encore ce dernier sens), on trouve dans la même langue le mot ankou. Là s’éclaire le mystère des anges. Les vieilles légendes bretonnes rapportent que quand surgissait une tempête c’était l’ankou qui se levait d’entre les galets du rivage. Les galets étaient les restes de ceux qui se noyaient en mer quand le premier chêne de Bretagne n’était pas encore gland. Ces cailloux durs et secs n’en contenaient pas moins autant d’âmes. En regard de cette vielle croyance, comment ne pas évoquer les cailloux ou galets dont nous avons déjà parlé à l’occasion du petit Poucet et qui, semés par Deucalion et Pyrrha, les deux enfants de Prométhée qui survécurent au Déluge, devinrent autant d’hommes et de femmes. »

Cette exploration révèle les sources potentielles de superstitions, croyances populaires, contes symboliques aussi bien que de mythes initiatiques. Le « Souffle du Norrois » vivifie encore nos fêtes populaires, nos carnavals, comme nos rites, publics ou secrets.

Editions Arma Artis, BP 3, 26160 La Bégude de Mazenc, France.

Cette présentation de Rémi Boyer est parue dans la revue

LA LETTRE DU CROCODILE, seule revue complète

sur tout ce qui paraît dans le domaine

de l'ésotérisme,

de la spiritualité,

de l'hermétisme

et de plusieurs autres domaines

souvent délaissés ou maltraités.